jeudi 7 mars 2013

Le créateur, un homme comme les autres


 «Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et s’ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel.»

Albert Camus     discours de Stockholm

En lisant ces mots de Camus cela m'amène à une certaine réflexion. Surtout lorsqu'il dit que l'artiste est avant tout un homme au sens profond du terme l'Homme avec un grand H. Il est certaine que le créateur se démarque par ses œuvres et ses idées mais il reste un homme semblable aux autres. Nous sommes tous différents naturellement mais nous demeurons un être humain avec ses défauts, ses qualités, son vécu, sa vision des choses.  Comme dirait ma grand-mère si elle était encore parmi nous, on est tous dans le même bateau. 

Puis Camus nous parle de jugement, tellement facile de juger sans voir plus loin. Cela me fait revenir à mon billet à propos de Voice of fire  de Barnett Newman. Combien de gens ont-ils décrié l'achat de cette œuvre par le MBAC? Je ne reviendrai pas sur le sujet mais je crois que l'homme juge lorsqu'il ne peut ou ne veut pas comprendre quelque chose, soit une situation, un tableau, un acte posé par un autre, etc. Lorsqu'on ne peut comprendre, la peur de l'inconnu nous fait réagir. Il devient alors tellement facile de juger. Loin de moi l'idée de faire de la morale ici, mais je tiens au respect de l'autre.

Non pas cependant qu'on doit aimer tout ce que l'autre fait ou ce qui apparaît laid à nos yeux. Chacun à droit à ses goûts personnels, nous pouvons dire qu'une œuvre ne nous plaît pas pour telle ou telle raison sans dire que l'artiste qui nous l'offre est un pourri ou n'a aucun talent. Il importe de chercher à comprendre sa démarche afin de faire la part des choses. Le jugement, beaucoup en ont peur... moi la première. Cela fait souvent du mal à la personne concernée et peut même aller jusqu'à la détruire. Vivre et laisser vivre... ce serait tellement plus facile pour tous. 

Bon, cela suffit pour la philosophie ce midi. Je retourne dans mon atelier.

 

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